"Il
y a de plus ou moins belles façons
de
traverser un couloir."
Arsène
de la Manigance
On
valorise aujourd'hui le jeu "Open World", à monde
ouvert, dont on peut parcourir les aventures dans l'ordre que l'on veut et qui
propose de grandes cartes à explorer. Ce type de jeux serait plus conforme
à la réalité que les jeux appelés "couloir", parce que dans la vie
les rues ne sont pas toutes à sens unique, les carrefours n'offrent pas deux
impasses sur quatre chemins et des tas de gravats bizarroïdes impossibles à
escalader. Dans la vie on peut escalader partout !
Mais
le problème est philosophique : la vraie liberté c'est le couloir.
En
effet dans la vie nous ne sommes pas sûrs que tous nos mouvements ne sont pas
déterminés par des causes extérieures : éducation, génétique, providence. En
plus on a tendance à préférer les choix les plus utiles et agréables pour nous
: qui est libre de renoncer à la société et de vivre comme un orang-outan ?
Autre exemple : avons-nous le choix de mourir ou non ? Quelque nom qu’on
lui donne, nature, Dieu ou dégénérescence des cellules, la puissance qui nous
permet de vivre maintenant ne nous permet pas de vivre éternellement. En
revanche, on a le choix de la façon de mourir : jeune, vieux, seul ou
entouré, préparé pour ça ou n’y pensant jamais.
La
liberté n'est donc pas de faire le bon choix entre plusieurs, mais de vivre à
notre manière les choix déjà faits pour nous. Il y a de plus ou moins belles
façons de traverser un couloir. Dans Half-Life le couloir offrait
une large étendue de points de vue pour attaquer les bras et les pieds des
ennemis sans qu'ils ne nous voient. Il y avait même des couloirs secrets
invisibles au joueur trop rapide. On pouvait dès ce moment jouer
l’infiltré, le pressé, le planqué, le barbare. Ah, Half-Life, c'était le bon temps !
Un
couloir n'est pas un simple cylindre ou parallélépipède : le principe est
connu depuis Doom, et les
développeurs ont enrichi avec le temps les couloirs. Ajoutez-y
quelques caisses et rebords, entortillez les couloirs : et voilà de beaux
terrains pour les traditionnels jeux de cache-cache et de labyrinthe. Emboîtez
plusieurs couloirs étroits et vous obtenez un vieux classique, de Golden Eye à
Battlefield 3 : la course poursuite dans un train, qui mêle
couloirs étroits, portes imprévisibles, et même les embûches externes et
internes du train dans un tunnel.
De
plus, les jeux affichés "open world" contiennent en réalité
d’innombrables couloirs : ainsi les missions de GTA et de Skyrim se
font toujours dans des couloirs ! L’open world pourrait n’être qu’un joli menu
pour choisir entre plusieurs couloirs, ces derniers restant la base du jeu
vidéo. Même dans Far Cry 3 où les
missions permettent plusieurs approches, il reste des phases de couloir. Le
problème n'est donc le couloir, mais certains couloirs.
Conclusion
: Faire un beau couloir est sans doute aussi difficile que proposer un open
world ! Le problème ce sont les couloirs mal faits, trop répétitifs, ou fermés
de manière invraisemblable, alors qu'on peut varier à l'infini le principe de
l'espace qui n'a qu'une entrée et une sortie : en changeant les paramètres de
largeur et en ajoutant des obstacles.
Et
vous, traversez-vous d'une belle façon les couloirs ?
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